Je pourrais trouver pléthore de madeleines de Proust qui pourraient me transporter dans des univers si différents et dans le tréfond de mes souvenirs.
Cependant il y en a une particulièrement qui me tend la main ou plutôt qui m’oblige à tendre l’oreille…. Il s’agit d’une chanson.
Et tout d’un coup, patatras…. tous les dominos se mettent en mouvement et dévalent des pentes abruptes en venant chatouiller tout ce qui est émotion en moi.
Il se peut alors que mes cinq sens se mettent en éveil et tourbillonnent.
J’ai longtemps résisté à cet engouement intérieur.
En effet le chanteur de cette comptine n’est pas des plus sexy même à l’époque de mon enfance voire carrément ringard.
On ne pouvait pas vraiment en être fan et en parler aurait été comme monter sur le bûcher de la honte et des sarcasmes.
Vous l’avez tous compris il s’agit de – Petit Papa Noël -de TinoRossi dont le seul exotisme était de venir de Corse et de le revendiquer.
Ma première rencontre avec
le Père Noël
Nous sommes en décembre 1965. Sa voix est très lente et rocailleuse.
Il sourit en m’offrant une poupée aussi grande que moi.
Il parle sans cesse en ventant tous mes mérites.
Moi, je suis tétanisée car je n’ai pas encore mon cadeau totalement en main.
Je tente de me rassurer en compressant la main de mes deux grandes sœurs.
Cette situation inconfortable et stressante me fait me trémousser sur place.
C’est l’arbre de Noël de la SNCF à la Gare de l’Est à Paris puisque mon père y travaille.
Je ressens au fond de moi l’odeur un peu acre de ce lieu immense.
J’ai une guimauve entre les doigts qui bien sûr s’est transformée en une pate informe dont je ne sais plus que faire.
Les cheveux de ma poupée sont incroyablement soyeux, blonds et très ondulés.
Le manque d’éclairage me fait apercevoir le sourire du clown blanc tantôt triste et tantôt gai mais dans tout les cas extravagant.
Je vois son chapeau pointu qui n’en finit pas.
Je pense que les paillettes qu’il vient de disperser sur la scène ne sont que pour moi.
Du coup, j’ai souri avec « J’ai besoin de paillettes dans ma vie Kevin ».
Un vrai rituel
Et c’est radical lorsque j’entends les premières notes de Petit Papa Noël, tout se met en place comme les dominos se mettent en mouvement.
Dans l’ordre, interviennent d’abord la voix du Père Noël et les mains de mes sœurs.
Puis arrive l’odeur de la salle, mes doigts collants et la douceur des cheveux de ma poupée.
Enfin je revois la lumière tamisée, le chapeau, le sourire et les paillettes du clown.
Mon émotion est telle que bien sûr je retiens un sanglot tellement le souvenir est ici et maintenant.
Cet air un peu enfantin provoque chez moi un bouleversement total.
De là à penser que je suis organisatrice de spectacles et d’évènements, spécialisée dans l’organisation des arbres de Noël depuis 1992, il n’y a qu’un pas.
Bien sûr chaque année en décembre j’entends cette chanson un nombre incalculable de fois lors de chaque évènement que j’organise.
C’est un vrai rituel et j’essaie à chaque fois de ne pas trop me laisser surprendre.
Cette année tous les événements sont interdits mais je vais m’organiser mon petit rituel à moi et on verra bien ce qui en sortira…